Le géant germano-suisse Liebherr, reconnu mondialement pour ses engins de chantier, fait parler de lui dans un tout autre domaine. L’entreprise vient d’annoncer le développement d’un moteur révolutionnaire qui ne produirait aucune émission de dioxyde de carbone. Cette innovation pourrait bien transformer radicalement le secteur des moteurs industriels à un moment où les préoccupations environnementales n’ont jamais été aussi fortes.
Qui est Liebherr, ce géant industriel aux multiples facettes ?
Vous connaissez probablement Liebherr pour ses impressionnantes grues qui dominent nos paysages urbains, ou peut-être pour ses réfrigérateurs haut de gamme qui équipent certaines cuisines françaises. Mais saviez-vous que cette entreprise familiale, fondée en 1949, s’est diversifiée bien au-delà de ces secteurs ?
Aujourd’hui, Liebherr emploie plus de 53 000 personnes à travers le monde et a généré un chiffre d’affaires de 14 milliards d’euros en 2023. Un mastodonte industriel qui a su rester à la pointe de l’innovation dans de nombreux domaines : machines agricoles, équipements pour la construction, systèmes aérospatiaux et même électroménager.
Depuis 2020, l’entreprise a pris un virage stratégique en mettant l’accent sur la conception de moteurs fonctionnant à l’hydrogène et à l’ammoniac, s’inscrivant ainsi pleinement dans la transition énergétique. « Notre objectif est de développer des solutions qui répondent aux défis environnementaux actuels tout en maintenant des performances de haut niveau », explique la direction de l’entreprise.
Le nouveau diesel D9612 : puissance et respect de l’environnement
La première innovation que Liebherr prévoit de présenter lors du salon Bauma 2025 à Munich est son nouveau moteur diesel, le D9612. Ce bloc moteur développe une puissance impressionnante de 1 295 chevaux, soit environ 950 kW – une puissance colossale qui sera initialement destinée aux machines agricoles et aux engins de construction.
Mais ce qui distingue véritablement ce moteur, c’est sa promesse d’une consommation extraordinairement basse pour sa catégorie. Selon les premières communications de l’entreprise, sa consommation pourrait être réduite de 15 à 20% par rapport aux moteurs conventionnels de même puissance, ce qui représenterait une économie potentielle de plusieurs milliers d’euros par an pour les exploitants.
En matière d’émissions polluantes, Liebherr affirme que le D9612 émet significativement moins de polluants qu’un moteur diesel classique. Bien que les détails techniques précis n’aient pas encore été communiqués, on peut s’attendre à ce que ce moteur respecte, voire dépasse, les normes d’émissions les plus strictes actuellement en vigueur en Europe.
L’innovation révolutionnaire : un moteur à ammoniac sans émissions de CO2
C’est la seconde innovation qui suscite le plus d’intérêt dans le monde industriel : Liebherr présentera également un prototype de moteur fonctionnant à l’ammoniac. Avez-vous déjà imaginé un moteur à combustion interne qui ne rejette pas une seule molécule de CO2 ? C’est précisément ce que propose l’entreprise.
Dans sa version actuelle de développement, ce moteur utilise un système à double carburant. Pour l’allumage initial du mélange, une petite quantité de diesel ou d’hydrogène pur est encore nécessaire. Mais ensuite, c’est l’ammoniac (NH3) qui prend le relais comme carburant principal.
Pourquoi l’ammoniac ? Cette molécule présente plusieurs avantages considérables :
- Elle ne contient pas de carbone, donc sa combustion ne produit pas de CO2
- Elle est plus facile à stocker et à transporter que l’hydrogène
- Elle peut être produite à partir d’énergies renouvelables
- L’infrastructure de production et de distribution existe déjà partiellement
L’ammoniac est déjà produit à grande échelle pour l’industrie des engrais, ce qui faciliterait une éventuelle transition. En France, la production annuelle d’ammoniac s’élève à environ 1,3 million de tonnes, principalement destinée à l’agriculture.
« Le moteur à ammoniac représente une voie prometteuse pour décarboner des secteurs difficiles comme le transport lourd ou les machines agricoles », indiquent les ingénieurs de Liebherr.
Les défis techniques et les questions en suspens
Malgré l’enthousiasme suscité par ces innovations, plusieurs questions techniques et pratiques demeurent sans réponse. Le moteur à ammoniac, bien qu’il ne produise pas de CO2, pourrait générer d’autres types d’émissions, notamment des oxydes d’azote (NOx). Comment Liebherr compte-t-il gérer cette problématique ?
Par ailleurs, l’utilisation de l’ammoniac n’est pas sans risque. C’est un composé toxique et corrosif qui nécessite des précautions particulières pour sa manipulation. Les systèmes de sécurité devront être particulièrement robustes pour éviter tout accident.
Un autre point d’interrogation concerne le prix. Si ces moteurs arrivent sur le marché français, à quel tarif seront-ils proposés ? Un surcoût important pourrait freiner leur adoption, même si les économies de carburant et les avantages environnementaux pourraient compenser cet investissement initial plus élevé sur le long terme.
Quand verrons-nous ces moteurs sur le marché ?
C’est la grande inconnue. Liebherr n’a pas encore communiqué de calendrier précis concernant la commercialisation de ces innovations, notamment pour le moteur à ammoniac.
Si le moteur diesel D9612 pourrait être disponible relativement rapidement après sa présentation au salon Bauma 2025, le chemin semble plus long pour le moteur à ammoniac. Des tests approfondis, des certifications et la mise en place d’une chaîne de production adaptée seront nécessaires avant de voir ces moteurs équiper les engins de chantier ou les machines agricoles français.
Les experts du secteur estiment qu’il faudra probablement attendre 2027-2028 au minimum avant de voir ces moteurs sur le marché, si Liebherr décide effectivement de franchir le pas de la commercialisation.
L’impact potentiel sur l’industrie et l’environnement
Si ces technologies tiennent leurs promesses, l’impact pourrait être considérable. En France, le secteur de la construction et de l’agriculture représente environ 8% des émissions totales de CO2. Des moteurs sans émissions de carbone pourraient donc contribuer significativement à l’effort national de réduction des gaz à effet de serre.
Pour les entreprises du BTP et les agriculteurs français, la réduction de l’empreinte carbone devient un enjeu majeur, notamment face aux nouvelles réglementations environnementales et aux attentes des clients. Un engin de chantier équipé d’un moteur à ammoniac pourrait devenir un argument commercial de poids pour remporter des marchés publics intégrant des critères environnementaux stricts.
Mais au-delà de l’aspect commercial, c’est toute l’industrie des moteurs qui pourrait être bouleversée. Si Liebherr réussit son pari, d’autres constructeurs suivront probablement, accélérant ainsi la transition vers des solutions sans carbone.
Conclusion : une innovation qui arrive à point nommé
Alors que la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, des innovations comme celles proposées par Liebherr représentent des avancées cruciales. Bien que ces moteurs ne soient pas encore disponibles sur le marché, leur simple développement témoigne d’une évolution profonde de l’industrie.
L’utilisation de carburants alternatifs comme l’ammoniac ouvre des perspectives intéressantes pour les secteurs où l’électrification reste complexe. En effet, si les voitures particulières peuvent facilement passer à l’électrique, certains engins lourds nécessitent encore des solutions adaptées à leurs contraintes spécifiques.
Reste à voir si Liebherr parviendra à surmonter les défis techniques et économiques pour faire de ces prototypes des produits commercialement viables. Le salon Bauma 2025 à Munich nous en dira plus sur l’état d’avancement de ces technologies prometteuses.
En attendant, cette annonce nous rappelle que l’innovation technologique reste un levier essentiel dans la lutte contre le changement climatique. Et vous, seriez-vous prêt à investir dans une machine équipée d’un moteur à ammoniac pour réduire votre empreinte carbone ?
