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Moteurs thermiques : la France fait machine arrière sur l’interdiction en 2035

Hand refilling the car with fuel at the refuel station
Hand refilling the car with fuel at the refuel station

Dans un revirement inattendu, la France a rejeté l’échéance de 2035 pour la fin des ventes de essence et diesel. Ce choix audacieux relance le débat sur l’avenir de la mobilité et les enjeux de la transition énergétique dans l’Hexagone.

Un camouflet pour Bruxelles

L’Assemblée nationale française a créé la surprise en votant contre l’intégration dans la loi de l’objectif européen de fin des ventes de neufs en 2035. Cette décision marque un tournant dans la environnementale française et envoie un message fort à Bruxelles.

Le texte européen, fruit de longues négociations, visait à accélérer la transition vers une mobilité éro émission. Il prévoyait l’interdiction de la vente de voitures et utilitaires légers neufs équipés de moteurs thermiques (essence, diesel et hybrides) à partir de 2035. L’objectif affiché : réduire drastiquement les émissions de CO2 du secteur des transports, responsable d’environ 30% des émissions de gaz à effet de serre en Europe.

« Cette échéance de 2035 est irréaliste et potentiellement désastreuse pour notre industrie automobile », a déclaré Jean-Pierre Mignard, député et rapporteur du texte à l’Assemblée. « Nous ne pouvons pas nous permettre de mettre en péril des centaines de milliers d’emplois sur l’autel d’un calendrier trop ambitieux. »

Les raisons du refus français

Plusieurs facteurs expliquent la position française :

La protection de l’emploi : l’industrie automobile représente près de 400 000 emplois directs en France. Une transition trop brutale vers l’électrique pourrait entraîner des suppressions massives de postes, notamment chez les équipementiers spécialisés dans les moteurs thermiques.

Le coût des : malgré une baisse progressive des prix, les voitures électriques restent en moyenne 30% plus chères que leurs équivalents thermiques. Cette différence de prix freine l’adoption massive par les consommateurs.

L’autonomie et l’infrastructure de recharge : bien qu’en constante amélioration, l’autonomie des véhicules électriques et le maillage des bornes de recharge demeurent des freins psychologiques importants pour de nombreux automobilistes.

La souveraineté technologique : la France craint une dépendance accrue vis-à-vis des fournisseurs asiatiques de batteries, composant stratégique des véhicules électriques.

Un pari sur les carburants alternatifs

En rejetant l’échéance de 2035, la France mise sur une approche plus diversifiée de la . Le gouvernement souhaite notamment laisser sa chance aux carburants de synthèse et à l’hydrogène.

Les e-fuels, ou carburants de synthèse, sont produits à partir d’hydrogène vert et de CO2 capté dans l’atmosphère. Ils présentent l’avantage d’être utilisables dans les moteurs thermiques existants, sans modification majeure. Leur bilan carbone est neutre sur l’ensemble du cycle de vie.

« Nous ne devons pas mettre tous nos œufs dans le même panier », explique Marie Durand, ingénieure chez Renault. « Les e-fuels pourraient offrir une solution de transition intéressante, notamment pour les véhicules lourds et les zones rurales où l’électrification sera plus complexe. »

L’hydrogène constitue une autre piste prometteuse. Utilisé dans une pile à combustible, il permet de générer de l’électricité à bord du véhicule, offrant ainsi une autonomie comparable aux moteurs thermiques avec un temps de recharge réduit.

Les constructeurs français soulagés

La décision de l’Assemblée nationale a été accueillie avec soulagement par les français. Stellantis (fusion de et FCA) et Renault, qui ont déjà engagé des investissements massifs dans l’électrification, craignaient qu’une transition trop rapide ne fragilise leur compétitivité face aux concurrents étrangers.

Carlos Tavares, PDG de Stellantis, n’a jamais caché son scepticisme face à l’échéance de 2035 : « Imposer l’électrique comme seule solution est une approche dogmatique qui ne tient pas compte des réalités industrielles et des attentes des consommateurs. »

Pour autant, les constructeurs français ne remettent pas en cause leur . Renault vise 65% de véhicules électriques dans ses ventes européennes d’ici 2025, tandis que Stellantis prévoit 70% de véhicules électrifiés (hybrides inclus) à l’horizon 2030.

Un débat qui divise l’Europe

La position française n’est pas isolée en Europe. L’Allemagne, autre poids lourd de l’industrie automobile, a également exprimé des réserves sur l’échéance de 2035. Berlin plaide pour une approche plus flexible, incluant notamment une dérogation pour les véhicules fonctionnant aux e-fuels.

À l’inverse, des pays comme les Pays-Bas ou le Danemark militent pour une transition encore plus rapide vers le tout électrique. Ces divergences illustrent la complexité du défi que représente la décarbonation du secteur automobile à l’échelle européenne.

Quelles perspectives pour l’avenir ?

Le rejet de l’échéance 2035 par la France ne signifie pas pour autant un abandon des objectifs climatiques. Le gouvernement français réaffirme sa volonté de réduire les émissions de CO2 du secteur automobile, mais plaide pour une approche plus pragmatique et progressive.

Parmi les pistes envisagées :

  • Un renforcement des normes d’émissions pour les véhicules thermiques
  • Des incitations fiscales accrues pour l’achat de véhicules bas carbone
  • Un soutien renforcé à la R&D sur les technologies alternatives (e-fuels, hydrogène)
  • Un plan ambitieux de déploiement des infrastructures de recharge électrique

« Nous devons trouver un équilibre entre ambition environnementale et réalisme économique », résume Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 Millions d’automobilistes. « La transition énergétique ne se décrète pas, elle se construit avec l’ensemble des acteurs. »

Le débat sur l’avenir des moteurs thermiques est loin d’être clos. La Commission européenne devrait présenter en 2026 une évaluation des progrès réalisés et pourrait alors proposer des ajustements à sa feuille de route. D’ici là, la France entend peser de tout son poids pour promouvoir une approche plus flexible et diversifiée de la mobilité durable.

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