Dans un revirement stratégique inattendu, le constructeur britannique Lotus a confirmé que son modèle Emira continuera d’être proposé avec un moteur V6 essence de 3,5 litres, parallèlement à l’introduction de la nouvelle version Emira Turbo SE. Cette décision, motivée par la forte demande des passionnés, marque un tournant dans la stratégie d’électrification de la marque et réaffirme son engagement envers les valeurs traditionnelles de performance pure.
Le dernier bastion thermique de Lotus à la croisée des chemins
L’Emira représente bien plus qu’un simple modèle dans la gamme Lotus – c’est le dernier véhicule à moteur thermique du constructeur britannique avant son passage complet à l’électrification. Initialement, la marque semblait déterminée à privilégier progressivement sa motorisation turbo d’origine allemande, mais le marché en a décidé autrement.
Ce revirement stratégique intervient alors que Lotus vient de franchir un cap symbolique avec plus de 10 000 exemplaires d’Emira produits à Hethel, le berceau historique de la marque depuis 1966. Une production qui a démarré en 2022 et qui s’est accélérée malgré les difficultés d’approvisionnement mondiales. Une performance remarquable pour une marque de niche qui démontre l’attachement indéfectible des passionnés à l’ADN sportif de Lotus.
Avez-vous déjà conduit une voiture équipée d’un moteur V6 atmosphérique ? Cette expérience sensorielle, caractérisée par une montée en régime linéaire et une sonorité envoûtante, devient de plus en plus rare dans le paysage automobile actuel. C’est précisément cette authenticité mécanique que Lotus a choisi de préserver, fidèle à la philosophie de son fondateur Colin Chapman, pour qui la légèreté et l’agilité primaient sur la puissance brute.
Cette annonce résonne comme un petit miracle dans un univers automobile où les V6 disparaissent les uns après les autres. L’exemple le plus flagrant ? La récente Alpine A110, qui a abandonné le V6 Nissan de la précédente génération au profit d’un 4 cylindres plus compact et plus économe. Lotus, contre toute attente, prend le chemin inverse.
Deux cœurs mécaniques pour des sensations distinctes
Dès son lancement, l’Emira proposait deux options mécaniques radicalement différentes : un quatre cylindres 2,0 litres turbocompressé fourni par Mercedes-AMG et un V6 3,5 litres suralimenté par compresseur d’origine Toyota.
Le V6, développant 400 ch, est rapidement devenu le choix privilégié des puristes, malgré un poids légèrement supérieur. Cette motorisation incarne parfaitement l’esprit Lotus avec son caractère atmosphérique et sa sonorité distinctive. Sa capacité d’accélération de 0 à 100 km/h en 4,4 secondes reste impressionnante, même si elle n’égale pas les performances de la nouvelle version turbo.
Ce V6 Toyota 2GR-FE, que l’on retrouvait déjà sur les précédentes Evora et Exige, a été profondément modifié par les ingénieurs de Lotus. Ils ont notamment ajouté un compresseur Edelbrock pour augmenter la puissance tout en préservant la linéarité de réponse chère aux puristes. Le résultat ? Un moteur au caractère unique, associé à une boîte manuelle Aisin à six rapports qui ravit les amateurs de conduite engagée.
De son côté, la variante quatre cylindres d’origine AMG apportait une option plus légère et théoriquement plus efficiente, avec une puissance initiale de 360 ch. « Nous avons toujours cherché à offrir le meilleur équilibre entre performance, légèreté et plaisir de conduite », expliquait alors Gavan Kershaw, directeur des attributs dynamiques chez Lotus et pilote d’essai légendaire de la marque britannique.
Avec l’introduction récente de la version Turbo SE, ce bloc a vu sa puissance grimper à 406 ch, surpassant légèrement le V6. Plus impressionnant encore, son temps d’accélération de 0 à 100 km/h a été réduit à seulement 4,0 secondes, établissant une nouvelle référence pour la gamme.
La cohabitation de ces deux motorisations offre aux clients une liberté de choix devenue rare chez les constructeurs spécialisés. D’un côté, la modernité et l’efficience du quatre cylindres turbo; de l’autre, le caractère et l’authenticité du V6 suralimenté. Deux visions de l’automobile sportive qui se complètent parfaitement.
L’Emira Turbo SE : la technologie allemande au service du plaisir britannique
L’Emira Turbo SE représente un concentré de technologie moderne avec son moteur M139 de Mercedes-AMG. Ce bloc quatre cylindres 2,0 litres est équipé d’un turbocompresseur à géométrie variable, une prouesse technique généralement réservée aux motorisations haut de gamme.
Bien que ce moteur développe jusqu’à 421 ch dans certains modèles Mercedes comme l’A45 AMG, Lotus a choisi de l’optimiser à 400 ch avec un couple de 480 Nm. Cette puissance est transmise aux roues arrière via une boîte automatique à double embrayage à huit rapports, offrant des passages de vitesses ultrarapides et une réactivité exemplaire.
Matt Windle, directeur général de Lotus Cars, ne cachait pas sa fierté lors de la présentation de cette version : « L’Emira Turbo SE représente l’aboutissement de notre savoir-faire en matière de châssis et de dynamique véhicule. Nous avons travaillé main dans la main avec Mercedes-AMG pour adapter ce moteur exceptionnel aux caractéristiques spécifiques de l’Emira ».
Les performances sont à la hauteur des attentes avec une vitesse maximale de 290 km/h et ce fameux 0 à 100 km/h abattu en 4 secondes chrono. Des chiffres qui placent l’Emira parmi les références de sa catégorie, face à des concurrents comme la Porsche 718 Cayman GTS ou l’Alpine A110 S.
L’équipement de série comprend le pack « Driver », rehaussant les capacités dynamiques avec une suspension raffermie, des freins ventilés haute performance et un système de launch control. Les jantes forgées de 20 pouces et divers éléments de carrosserie spécifiques complètent cette dotation généreuse.
Les premiers essais presse de cette version Turbo SE ont souligné la réactivité impressionnante du moteur allemand, particulièrement en sortie de virage où le couple disponible dès les bas régimes propulse la voiture avec une vigueur surprenante. L’électronique a été spécifiquement calibrée pour privilégier l’agilité et le plaisir de conduite, fidèle à l’esprit Lotus.
Vous hésitez entre technologie moderne et tradition mécanique ? Lotus vous laisse désormais ce luxe, une rareté dans l’industrie automobile contemporaine où l’uniformisation des gammes est devenue la norme.
Le V6 résiste à la vague d’électrification
Contre toute attente, le V6 3,5 litres survit donc dans la gamme Emira. Cette motorisation, d’origine Toyota mais significativement modifiée par Lotus, conserve ses spécifications d’origine avec 400 ch de puissance et un couple maximal de 420 Nm disponible à 4 600 tr/min.
L’un des principaux attraits de cette version réside dans la possibilité de l’associer à une boîte de vitesses manuelle à six rapports, une option qui se raréfie dans le segment des sportives. Pour les amateurs de conduite engagée, cette configuration s’enrichit d’un différentiel à glissement limité (LSD), optimisant la motricité et la stabilité dans les conditions d’adhérence précaires.
« La décision de maintenir le V6 dans notre gamme répond directement aux attentes de notre clientèle la plus fidèle », aurait confié Richard Moore, directeur de l’ingénierie chez Lotus. « L’Emira incarne l’essence même de Lotus, et nous ne pouvions pas ignorer la demande pour une expérience de conduite authentique et viscérale. »
Cette décision va à contre-courant de la tendance actuelle du downsizing et de l’électrification à marche forcée. Elle témoigne d’une certaine audace commerciale, à l’heure où de nombreux constructeurs abandonnent leurs motorisations traditionnelles au profit de solutions plus conformes aux nouvelles normes environnementales.
Le V6 Toyota est particulièrement apprécié pour sa fiabilité légendaire, un critère non négligeable pour une marque comme Lotus qui a parfois souffert d’une réputation mitigée en matière de fiabilité par le passé. Les collectionneurs apprécieront également la perspective d’acquérir l’une des dernières sportives équipées d’un tel moteur, promesse d’une valeur de revente solide dans les années à venir.
Pour l’anecdote, ce V6 3.5 est un lointain descendant du moteur que l’on trouvait dans certaines Camry et Avalon américaines, mais tellement modifié qu’il n’en reste pratiquement que l’architecture de base. Un parfait exemple de la capacité de Lotus à transformer un bloc relativement ordinaire en un moteur d’exception.
Un positionnement tarifaire premium mais cohérent
En matière de tarification, l’Emira se positionne clairement dans le segment premium des sportives. Au Royaume-Uni, la version Turbo SE est proposée à partir de 89 500 livres sterling (environ 106 000 euros), tandis que l’Emira V6 démarre à 92 500 livres (environ 109 700 euros).
Sur le marché français, les deux versions s’affichent aux alentours de 110 000 euros, un positionnement qui reflète tant l’exclusivité du véhicule que ses prestations technologiques avancées. À ce niveau de prix, l’Emira entre en concurrence directe avec des modèles établis comme la Porsche 718 Cayman GTS 4.0 (à partir de 106 506 euros) ou la Jaguar F-Type P450 (environ 112 000 euros).
Cette grille tarifaire place l’Emira dans une catégorie accessible pour une sportive de ce calibre, surtout en considérant le niveau de performances offert et le caractère exclusif de la marque britannique. Pour mettre ces chiffres en perspective, une Alpine A110 GT démarre à environ 75 000 euros, tandis qu’une Porsche 911 Carrera exige plus de 125 000 euros.
Le réseau de distribution Lotus en France a été récemment restructuré et renforcé, avec l’arrivée de nouveaux concessionnaires à Paris, Lyon et Mulhouse, rejoignant ceux déjà établis à Monaco et Bordeaux. Cette expansion témoigne des ambitions renouvelées de la marque sur le marché français, traditionnellement friand de sportives de caractère.
Les délais de livraison actuels oscillent entre six et huit mois selon les concessionnaires, un temps d’attente relativement raisonnable comparé à certains concurrents qui annoncent parfois des délais supérieurs à un an. La production de l’Emira ayant atteint son rythme de croisière à l’usine d’Hethel, Lotus peut désormais satisfaire plus rapidement la demande des clients européens.
Un acte de résistance dans un monde automobile en mutation
La décision de Lotus de maintenir son offre V6 représente bien plus qu’un simple choix commercial – c’est une véritable déclaration d’intention. Dans un contexte où l’électrification semble inéluctable, le constructeur britannique affirme sa volonté de préserver l’essence même de l’expérience automobile sportive.
Cette stratégie s’inscrit dans un mouvement plus large observé chez certains constructeurs spécialisés, qui cherchent à prolonger l’ère des moteurs thermiques pour leurs modèles les plus emblématiques. On pense notamment à Porsche, qui continue de proposer des motorisations atmosphériques sur certaines versions de sa 911, ou à Morgan, qui perpétue la tradition des moteurs à forte cylindrée.
Il faut dire que le contexte a changé depuis le rachat de Lotus par le groupe chinois Geely en 2017. Avec des moyens financiers considérablement renforcés, la marque peut désormais se permettre de maintenir plusieurs lignes de produits en parallèle, avec d’un côté les modèles électriques comme l’Evija (hypercar électrique de 2 000 ch) et l’Eletre (SUV électrique), et de l’autre cette Emira qui perpétue l’héritage thermique.
L’Emira incarne ainsi un certain paradoxe : dernier modèle thermique de la marque, elle s’affirme comme un trait d’union entre l’héritage de Lotus et son avenir électrifié. Une position symbolique renforcée par le fait qu’elle est produite à Hethel, le site historique de la marque britannique, entièrement modernisé pour l’occasion avec un investissement de plus de 100 millions de livres sterling.
Ce positionnement hybride, entre tradition et modernité, pourrait s’avérer payant à l’heure où de nombreux passionnés cherchent à acquérir les « derniers des Mohicans » avant le grand basculement vers l’électrique. N’est-ce pas finalement la meilleure façon de célébrer la fin d’une ère, tout en se préparant sereinement à la suivante ?
Les premiers retours des clients semblent confirmer la pertinence de cette stratégie. Selon les concessionnaires, la répartition des commandes entre versions V6 et quatre cylindres turbo est étonnamment équilibrée, avec une légère préférence pour le V6 en configuration boîte manuelle chez les clients les plus passionnés.
Un choix stratégique qui réaffirme l’ADN Lotus
En maintenant l’option V6 dans sa gamme Emira, Lotus démontre sa capacité à écouter sa clientèle et à s’adapter à ses attentes, tout en préparant activement sa transition vers l’électrique. Cette flexibilité stratégique pourrait constituer un avantage concurrentiel décisif dans un marché de niche où la relation émotionnelle avec le produit reste primordiale.
L’histoire de Lotus est jalonnée de modèles emblématiques comme l’Elise, l’Exige ou l’Esprit, qui ont tous incarné à leur époque la quintessence de la sportivité britannique. L’Emira s’inscrit parfaitement dans cette lignée prestigieuse, tout en bénéficiant des avancées technologiques et des moyens de production modernes dont dispose désormais la marque.
« Lotus n’a jamais été aussi bien positionné pour l’avenir », affirmait récemment Feng Qingfeng, PDG de Lotus et vice-président de Geely. « Notre stratégie Vision80, qui nous mènera jusqu’à notre 80e anniversaire en 2028, combine respect de notre héritage et ambitions pour le futur. »
L’Emira s’impose ainsi comme un modèle charnière dans l’histoire de Lotus, incarnant à la fois l’excellence de son savoir-faire traditionnel et son ambition de se réinventer pour l’avenir. Un équilibre délicat que peu de constructeurs parviennent à maintenir dans le contexte actuel.
Pour les amateurs de sensations mécaniques authentiques, l’annonce du maintien du V6 résonne comme une excellente nouvelle, prolongeant l’opportunité d’acquérir une sportive fidèle aux valeurs fondatrices de la marque britannique. Une dernière danse pour les moteurs thermiques chez Lotus, mais quelle danse ! Et vous, seriez-vous plutôt tenté par la modernité du quatre cylindres turbo ou l’authenticité du V6 ?
Ce que vous devez retenir
- Dans un revirement stratégique inattendu, le constructeur britannique Lotus a confirmé que son modèle Emira continuera d’être proposé avec un moteur V6 essence de 3,5 litres, parallèlement à l’introduction de la nouvelle version Emira Turbo SE.
- Ce revirement stratégique intervient alors que Lotus vient de franchir un cap symbolique avec plus de 10 000 exemplaires d’Emira produits à Hethel, le berceau historique de la marque depuis 1966.
- C’est précisément cette authenticité mécanique que Lotus a choisi de préserver, fidèle à la philosophie de son fondateur Colin Chapman, pour qui la légèreté et l’agilité primaient sur la puissance brute.