La transition vers la mobilité électrique repose sur un groupe d’éléments chimiques méconnus mais stratégiques : les terres rares. Ces matériaux sont au cœur d’une bataille géopolitique intense entre les grandes puissances mondiales, avec une domination quasi-monopolistique de la Chine qui inquiète les États-Unis et l’Europe. Mais que sont exactement ces terres rares et pourquoi deviennent-elles si importantes dans l’industrie automobile moderne ?
Que sont les terres rares, ces matériaux indispensables à la mobilité du futur ?
Les terres rares constituent un ensemble de 17 éléments chimiques aux propriétés similaires. Ce groupe comprend les 15 lanthanides ainsi que le scandium et l’yttrium. Malgré leur nom, ces éléments ne sont pas vraiment « rares » dans la croûte terrestre. La difficulté réside dans leur extraction et leur séparation en forme pure, un processus complexe et coûteux.
On les trouve dans diverses formations géologiques comme les carbonatites, les roches ignées alcalines et les argiles latéritiques. Leur utilisation va bien au-delà des voitures électriques : elles sont présentes dans les écrans de smartphones, les turbines éoliennes, les panneaux solaires, l’équipement médical avancé et même les avions de combat.
Pour la mobilité électrique, certaines terres rares comme le néodyme, le praséodyme, le terbium et le dysprosium sont devenues des composants clés des moteurs et batteries. (Même si des ingénieurs travaillent sur des alternatives, il faut bien l’admettre, ces éléments restent pour l’instant au cœur de la révolution électrique.)
La mainmise chinoise sur un secteur stratégique
L’évolution de la production mondiale de terres rares raconte une histoire frappante : en 25 ans, la Chine est passée de 38% à plus de 97% de la production mondiale. Cette situation crée une dépendance pour les autres pays, notamment les États-Unis, qui ne possèdent qu’une seule mine active en Californie.
Cette mine américaine produit du néodyme et du praséodyme, mais ces éléments ne peuvent fonctionner correctement dans les applications technologiques sans l’apport de terbium ou de dysprosium – deux terres rares principalement extraites en Chine.
La situation s’est tendue avec l’annonce de nouveaux droits de douane entre les deux puissances. Les entreprises américaines dépendantes de ces matériaux ont immédiatement contacté la mine californienne, inquiètes d’une possible rupture d’approvisionnement. Face à cette incertitude, la mine a décidé de stocker près de la moitié de sa production en attendant une clarification de la situation commerciale.
Une bataille géopolitique qui dépasse l’automobile
La tension autour des terres rares illustre les enjeux plus larges de souveraineté industrielle. Les États-Unis tentent de diversifier leurs sources d’approvisionnement en approchant d’autres régions comme le Groenland et l’Ukraine, riches en ces ressources minérales.
Si la Chine décidait de maintenir ou d’étendre ses contrôles à l’exportation, une pénurie mondiale pourrait survenir, affectant non seulement la production de véhicules électriques mais aussi d’autres secteurs industriels stratégiques comme la défense et les technologies médicales.
L’Europe et la France face au défi des terres rares
L’Union européenne a pris conscience de sa vulnérabilité et a lancé plusieurs études pour identifier les gisements sur son territoire. L’Espagne, voisine de la France, dispose de plusieurs sites prometteurs :
En Castille-et-León, des mines de lanthane et de cérium ont été identifiées dans la région du Domo del Torres, entre Salamanque et Zamora. La Castille-La Manche possède des gisements à Campo de Montiel. L’Estrémadure abrite plusieurs exploitations de lithium, tantale et niobium.
L’Andalousie compte deux dépôts majeurs : un gisement sous-marin dans le golfe de Cadix et un autre dans la Rambla de las Granatillas (Almería). La Galice dispose de réserves comprenant huit minéraux essentiels, tandis que les îles Canaries, notamment Fuerteventura avec son complexe basal Monte Tropic, sont riches en tellure.
En France, des efforts sont également déployés pour identifier et exploiter ces ressources stratégiques. Des recherches géologiques sont en cours dans le Massif Central et les Pyrénées, où des traces de terres rares ont été détectées.
Quel avenir pour l’industrie automobile face à cette dépendance ?
Pour l’industrie automobile européenne, la question des terres rares représente un défi de taille. Les constructeurs investissent massivement dans la recherche d’alternatives. Certains prototypes de moteurs électriques fonctionnent déjà sans terres rares, mais leurs performances restent pour l’instant inférieures aux modèles traditionnels.
La stratégie européenne se développe autour de trois axes : la recherche de gisements locaux, le développement de filières de recyclage pour récupérer les terres rares des appareils en fin de vie, et l’innovation technologique pour réduire la dépendance à ces matériaux.
Alors que les ventes de véhicules électriques continuent d’augmenter en France et en Europe, l’enjeu des terres rares devient de plus en plus pressant. Les constructeurs qui parviendront à s’affranchir de cette dépendance pourraient gagner un avantage concurrentiel majeur dans les années à venir.
Le marché automobile électrique français, avec ses spécificités et ses objectifs ambitieux de décarbonation, se trouve ainsi confronté à des défis qui dépassent largement les frontières nationales. La question n’est plus seulement de savoir comment produire des véhicules électriques performants, mais aussi comment garantir un approvisionnement stable et durable en matériaux critiques.
Vous envisagez l’achat d’un véhicule électrique ? La question des terres rares ne devrait pas freiner votre démarche, mais elle illustre les défis complexes que notre société doit relever pour réussir sa transition énergétique.