Inventé il y a plus de 50 ans, le concept de moteur à eau continue de fasciner, malgré son absence dans l’industrie automobile. Entre promesses d’une énergie propre et défis technologiques, cette idée soulève des questions sur l’avenir de la mobilité durable et les alternatives aux carburants fossiles.
Le moteur à eau : une histoire qui remonte aux années 70
L’idée d’un véhicule fonctionnant uniquement à l’eau n’est pas nouvelle. Dans les années 1970, Arturo Estévez Varela avait présenté un prototype de véhicule alimenté par de l’eau, faisant même l’objet de reportages télévisés à l’époque. Le secret de son invention résidait dans l’ajout d’un supplément, longtemps supposé être du ferrosilicium, mais récemment identifié comme étant du bore.
Cette innovation suscitait l’espoir d’une solution économique et écologique aux défis énergétiques du secteur automobile. Cependant, aucun constructeur n’a à ce jour commercialisé de véhicule fonctionnant uniquement à l’eau. Pourquoi cette technologie prometteuse n’a-t-elle pas percé ?
Les défis thermodynamiques du moteur à eau
La réponse se trouve dans les lois fondamentales de la physique. Le premier principe de la thermodynamique stipule qu’on ne peut extraire d’un système plus d’énergie qu’on n’en a introduit. Le processus de production d’énergie à partir de l’eau implique plusieurs étapes :
1. Séparation de l’eau en hydrogène et oxygène par électrolyse
2. Combustion de l’hydrogène pour générer de l’électricité
3. Utilisation de cette électricité pour alimenter le moteur
Ce processus nécessite plus d’énergie qu’il n’en produit, une partie étant perdue sous forme de chaleur. Les partisans des moteurs à eau affirment qu’il serait possible de recombiner l’hydrogène et l’oxygène pour produire de l’eau, créant ainsi une source d’énergie infinie. Malheureusement, cette théorie se heurte aux principes fondamentaux de la conservation de l’énergie.
L’hydrogène : une alternative prometteuse mais complexe
Face aux limites du moteur à eau, l’industrie automobile s’est tournée vers l’hydrogène comme alternative aux carburants fossiles. Des constructeurs comme Toyota investissent massivement dans cette technologie. Les véhicules à hydrogène sont en réalité des voitures électriques où l’électricité est produite par la réaction de l’hydrogène avec l’oxygène, plutôt que stockée dans une batterie.
Cependant, la production d’hydrogène soulève elle aussi des questions environnementales. On distingue plusieurs types d’hydrogène selon leur mode de production :
– L’hydrogène gris, produit à partir de gaz naturel, émettant du CO2
– L’hydrogène bleu, similaire au gris mais avec capture du CO2
– L’hydrogène vert, produit par électrolyse à partir d’énergies renouvelables
La production et le stockage de l’hydrogène restent des défis majeurs, nécessitant des infrastructures coûteuses et une importante consommation d’énergie.
Le bore : une piste innovante pour la production d’hydrogène embarquée
Face à ces défis, des chercheurs explorent de nouvelles pistes. Tareq Abu Hamed, ingénieur chimique, propose d’utiliser le bore pour produire de l’hydrogène directement dans les véhicules. Cette approche permettrait de s’affranchir des contraintes liées au stockage de l’hydrogène à très basse température.
Le bore réagit avec l’eau pour produire de l’hydrogène grâce à la chaleur. Cette réaction pourrait théoriquement être réalisée à bord du véhicule, éliminant le besoin d’infrastructures de distribution d’hydrogène coûteuses.
Cependant, cette solution se heurte à son tour à des obstacles :
1. Le processus de recyclage du bore nécessite plus d’énergie qu’il n’en produit
2. Le coût élevé du bore (environ 2 260 euros le kg) rend son utilisation peu économique
3. La consommation importante de bore (1 kg pour 50 à 100 km) entraînerait des coûts de fonctionnement prohibitifs
Vers un avenir énergétique diversifié
L’histoire du moteur à eau et les recherches sur l’hydrogène et le bore illustrent la complexité de la transition énergétique dans le secteur automobile. Si le rêve d’un véhicule fonctionnant uniquement à l’eau reste pour l’instant irréalisable, ces recherches ont néanmoins stimulé l’innovation dans le domaine des énergies alternatives.
L’avenir de la mobilité durable reposera probablement sur un mix énergétique, combinant différentes technologies :
– Véhicules électriques à batterie pour les trajets courts et moyens
– Hydrogène pour les longues distances et le transport lourd
– Biocarburants pour certaines applications spécifiques
Les constructeurs automobiles et les chercheurs continuent d’explorer de nouvelles pistes pour rendre la mobilité plus propre et plus efficace. Si le moteur à eau tel qu’imaginé dans les années 70 reste un mythe, les principes qui ont inspiré cette idée continuent d’alimenter la recherche et l’innovation dans le domaine de la mobilité durable.
En conclusion, bien que le moteur à eau n’ait pas tenu ses promesses initiales, il a contribué à stimuler la réflexion sur les alternatives aux carburants fossiles. Les défis posés par le changement climatique et la raréfaction des ressources fossiles poussent l’industrie automobile à innover constamment. L’avenir de la mobilité se dessine ainsi à travers une diversité de solutions, chacune apportant sa contribution à un transport plus respectueux de l’environnement.