À partir du 1er janvier 2025, la Suisse mettra un terme à l’exonération fiscale accordée aux voitures électriques. Une décision attendue depuis quelques mois, mais qui continue de faire grincer des dents, notamment parmi les professionnels de l’importation automobile et les défenseurs d’une mobilité bas carbone. Cette suppression met fin à une politique en vigueur depuis plus d’un quart de siècle. Elle s’inscrit dans une volonté plus large de rééquilibrage budgétaire.
Un virage fiscal après 26 ans de soutien
Depuis 1997, les véhicules électriques vendus sur le territoire helvétique bénéficiaient d’une exonération de la taxe à l’importation. L’idée, à l’époque, était simple : favoriser l’émergence d’une alternative aux véhicules thermiques, encore largement dominants. Ce petit avantage fiscal représentait une économie non négligeable pour les acheteurs suisses, dans un pays où le prix moyen d’une voiture électrique peut facilement dépasser les 40 000 francs suisses (soit environ 41 000 euros).
Mais les temps changent. Avec l’augmentation rapide des ventes, la part de marché des voitures électriques a littéralement explosé. Entre 2018 et 2022, les importations sont passées de 8 000 à 45 000 unités. Et pour le premier semestre 2024, ce sont déjà plus de 30 000 véhicules électriques qui ont été immatriculés, soit une hausse de 66 % sur un an. Face à ces chiffres, le gouvernement suisse estime que l’exonération n’a plus lieu d’être. Pour lui, les modèles électrifiés sont désormais bien installés sur le marché. Il les considère donc aptes à supporter la même fiscalité que leurs homologues à essence ou diesel.
Un objectif budgétaire plus qu’environnemental
Si cette mesure soulève autant de débats, c’est qu’elle intervient dans un contexte délicat. Le Conseil fédéral n’a pas masqué ses intentions : cette décision s’inscrit dans un plan global d’assainissement des finances publiques. Il faut trouver des recettes. Et dans un pays où les véhicules électriques ne cessent d’augmenter, taxer ces importations représente une source de revenus non négligeable. Le gouvernement évoque un manque à gagner estimé entre 2 et 3 milliards d’euros à l’horizon 2030 si l’exonération était maintenue. Une somme qui pourrait servir à financer les routes nationales ou les projets urbains liés aux transports.
Mais ce choix ne fait pas l’unanimité. Certains observateurs dénoncent un signal contradictoire, alors même que les objectifs climatiques restent d’actualité. Dans les discours officiels, la transition énergétique est toujours à l’ordre du jour. Or, taxer l’électrique au moment où la filière thermique est en recul — voire en sursis à moyen terme — peut apparaître comme une marche arrière.
Le prix, argument de compensation ?
Pour justifier cette décision, le gouvernement helvétique mise sur la baisse progressive des prix des voitures électriques. Selon lui, les écarts de prix avec les modèles thermiques se sont considérablement réduits ces dernières années. Une situation qui, à ses yeux, permet de rétablir une certaine équité fiscale entre les différentes motorisations. D’autant que le coût d’acquisition reste l’un des derniers freins à l’achat d’un véhicule électrique pour de nombreux automobilistes suisses… comme français, d’ailleurs.
Est-ce suffisant pour faire passer la pilule ? Rien n’est moins sûr. Le président d’un important groupe d’importation automobile en Suisse a qualifié cette décision de « jour noir pour la mobilité électrique ». Il estime qu’en plus d’être contre-productive sur le plan écologique, cette mesure risque de ralentir la dynamique actuelle, alors même que l’offre électrique commence à s’étoffer dans toutes les gammes — y compris les modèles plus compacts et accessibles.
Entre fiscalité et stratégie industrielle
On pourrait se demander si cette décision ne révèle pas aussi une certaine tension entre la fiscalité et la stratégie industrielle. Dans un pays comme la Suisse, qui importe l’essentiel de ses véhicules, les choix du gouvernement impactent directement la dynamique du marché. La fin de cette exonération pourrait donc rebattre les cartes. Cela pourrait redonner un peu d’air aux ventes de véhicules thermiques… ou simplement ralentir l’arrivée de nouveaux modèles électriques.
Mais ce qui est certain, c’est que cette mesure ouvre un nouveau chapitre. Elle marque la fin d’une période de soutien assumé, presque militant, pour l’électrique. Désormais, le secteur va devoir avancer avec moins d’aides publiques. Et les automobilistes suisses, eux, devront faire leurs calculs autrement. Est-ce qu’un modèle électrique reste intéressant si l’économie fiscale disparaît ? Tout dépendra, au fond, des prix affichés en concession, de la qualité des infrastructures de recharge et de la confiance dans cette technologie. Bref, pas seulement du prix d’achat ou de la fiscalité.
Dans le fond, cette décision pose une question qui dépasse les frontières helvétiques : à partir de quand une technologie verte devient-elle suffisamment mature pour ne plus être subventionnée ? Un débat que la France et d’autres pays européens auront tôt ou tard à affronter, surtout si les déficits publics s’accumulent.