en

En Chine, les riches roulent à l’essence : la surprenante inversion du marché automobile

Ce que vous devez retenir

  • Alors qu’en France, l’acheteur type d’une voiture électrique reste un homme aux revenus élevés, âgé de plus de 44 ans et résidant dans une grande ville, la Chine présente un profil diamétralement opposé.
  • L’architecte de cette révolution s’appelle Wan Gang, un ingénieur formé en Allemagne devenu ministre du Commerce et de la Science en 2007.
  • Face à l’impossible rattrapage des constructeurs européens, américains et japonais sur le terrain de la motorisation thermique, il a pris une décision audacieuse .

Imaginez un monde où posséder une voiture électrique serait un signe de précarité économique, tandis que rouler avec une thermique deviendrait un luxe réservé aux plus fortunés. Ce scénario, qui peut sembler surréaliste vu d’Europe, constitue la réalité quotidienne en Chine. Dans l’empire du Milieu, la moitié des automobiles vendues l’année dernière étaient électriques, mais cette révolution verte cache une logique économique bien différente de la nôtre.

Une révolution silencieuse dans les rues chinoises

Lu Yunfeng conduit un taxi dans les rues de Canton, au sud de la Chine. Pour lui, le choix de l’électrique ne relève pas d’une conscience écologique, mais d’un simple calcul économique : « Conduire une voiture à essence coûte trop cher. J’économise de l’argent avec un véhicule électrique. En plus, je protège l’environnement. »

Ce témoignage illustre parfaitement l’inversion sociale qui s’opère en Chine. Alors qu’en France, l’acheteur type d’une voiture électrique reste un homme aux revenus élevés, âgé de plus de 44 ans et résidant dans une grande ville, la Chine présente un profil diamétralement opposé. Les classes moyennes et populaires chinoises se tournent massivement vers l’électrique, reléguant les véhicules thermiques au rang de produits de luxe.

Le secret des plaques d’immatriculation payantes

La clé de cette inversion réside dans un système unique au monde : les frais d’immatriculation exorbitants. En Chine, obtenir une plaque d’immatriculation pour sa voiture peut coûter plusieurs milliers d’euros, parfois davantage que la valeur du véhicule lui-même. Cette mesure vise à limiter la congestion urbaine et la pollution atmosphérique dans les mégalopoles chinoises.

Les propriétaires de voitures électriques bénéficient d’une exemption totale de ces frais. Vous comprenez maintenant pourquoi seuls les plus aisés peuvent se permettre le « luxe » d’une motorisation thermique ? Cette politique gouvernementale transforme l’électrique en choix rationnel pour la majorité de la population.

Des économies substantielles au quotidien

Lu Yunfeng, notre chauffeur de taxi cantonais, illustre concrètement ces économies. Avec son ancienne voiture thermique, il dépensait environ 24 euros pour faire le plein et parcourir 400 kilomètres. Aujourd’hui, avec sa voiture électrique, il ne paie qu’un quart de cette somme pour la même distance. Une différence de 75% qui change radicalement l’équation économique !

De la bicyclette à l’hégémonie mondiale

Comment la Chine a-t-elle réussi cette transformation spectaculaire ? En deux décennies seulement, le pays est passé d’une nation où la bicyclette dominait les transports à la première puissance mondiale du véhicule électrique. Cette métamorphose ne doit rien au hasard.

L’architecte de cette révolution s’appelle Wan Gang, un ingénieur formé en Allemagne devenu ministre du Commerce et de la Science en 2007. Face à l’impossible rattrapage des constructeurs européens, américains et japonais sur le terrain de la motorisation thermique, il a pris une décision audacieuse : changer complètement de terrain de jeu.

Une stratégie quinquennale payante

Dès 2001, le gouvernement chinois intègre les véhicules électriques dans ses plans quinquennaux. Mais c’est vraiment à partir de 2010 que la machine se met en marche. L’investissement public atteint des sommets : 231 milliards de dollars injectés dans l’ensemble de la filière, des consommateurs aux fabricants de batteries.

Cette stratégie porte ses fruits. BYD, constructeur chinois encore inconnu il y a dix ans, dépasse désormais Tesla en termes de ventes. La firme d’Elon Musk, pourtant pionnière du secteur, se retrouve distancée sur son propre terrain par un concurrent qui bénéficie d’un marché domestique de plus de 1,4 milliard d’habitants.

La maîtrise de toute la chaîne de valeur

La Chine ne s’est pas contentée d’assembler des voitures électriques. Elle contrôle désormais l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement des batteries, depuis l’extraction des terres rares jusqu’au produit fini. Cette intégration verticale lui confère un avantage concurrentiel redoutable face aux constructeurs occidentaux qui dépendent encore largement des fournisseurs asiatiques.

Les jeunes consommateurs chinois, naturellement attirés par les nouvelles technologies, constituent le terreau idéal pour cette révolution électrique. Contrairement à l’Europe où l’électrique peine encore à convaincre (malgré les subventions et les zones à faibles émissions), la Chine a créé un écosystème où l’électrique devient l’évidence économique.

Un modèle exportable ?

Cette réussite chinoise interroge nos propres stratégies européennes. Peut-on imaginer un système similaire de tarification des immatriculations pour accélérer la transition électrique ? Les constructeurs chinois, forts de leur succès domestique, commencent d’ailleurs à regarder vers l’export avec des ambitions qui inquiètent Detroit et Stuttgart.

L’histoire de Lu Yunfeng et de millions d’autres conducteurs chinois nous rappelle une vérité simple : les révolutions technologiques se gagnent autant sur le terrain économique que sur celui de l’innovation pure. En créant les conditions d’une électrification profitable, la Chine a inversé la logique occidentale et transformé l’écologie en opportunité économique pour tous.

Climatisation auto : cette erreur fatale que font 90% des conducteurs

Le défi des points de charge : l’Europe impose de nouvelles normes